Topos - citations

Alexandre Grothendieck

C’est le thème du topos qui est ce “lit”, ou cette “rivière profonde” où viennent s’épouser la géométrie et l’algèbre, la topologie et l’arithmétique, la logique mathématique et la théorie des catégories, le monde du continu et celui des structures “discontinues” ou “discrètes”. Il est ce que j’ai conçu de plus vaste, pour saisir avec finesse, par un même langage riche en résonances géométriques, une “essence” commune à des situations des plus éloignées les unes des autres provenant de telle région ou de telle autre du vaste univers des choses mathématiques”. Récoltes et semailles, cité par Caramello
Voici donc l’idée nouvelle. Son apparition peut être vue comme une conséquence de cette observation, quasiment enfantine à vrai dire, que ce qui compte vraiment dans un espace topologique, ce ne sont nullement ses “points” ou ses sous-ensembles de points, et les relations de proximité etc. entre ceux-ci, mais que ce sont les faisceaux sur cet espace, et la catégorie qu’ils forment.
Je n’ai fait, en somme, que mener vers sa conséquence ultime l’idée initiale de Leray – et ceci fait, franchir le pas. Récoltes et semailles, cité par Scharlau
Plus fondamental me semble néanmoins l’élargissement de la topologie générale, dans l’esprit de la théorie des faisceaux (développée initialement par J. Leray), contenu dans le point de vue des topos ([16, SGA 4]).

J’ai introduit ces topos à partir de 1958 en partant du besoin de définir une cohomologie l-adique des variétés algèbriques (plus généralement, des schémas), qui convienne à l’interprétation cohomologique des célèbres conjectures de Weil.

En effet, la notion traditionnelle d’espace topologique ne suffit pas à traiter le cas des variétés algèbriques sur un corps autre que le corps des complexes, la topologie proposée précédemment par Zariski ne donnant pas lieu à des invariants cohomologiques “discrets” raisonnables.

A l’heure actuelle, le point de vue des topos, et la notion de “localisation” correspondante, font partie de la pratique quotidienne du géomètre algèbriste, et il com- mence à se répandre également en théorie des catégories et en logique mathématique (avec la démonstration par B. Lawvere [*] du théorème de Cohen d’indépendance de l’axiome du continu, utilisant une adaptation convenable de la notion de topos).

Il n’en est pas encore de même en topologie et en géométrie différentielle et analytique, malgré certains premiers essais dans ce sens (comme la tentative de démonstration par Sullivan d’une conjecture d’Adams en K-théorie, par réduction à une propriété de l’opération de Frobenius sur les variétés algèbriques en car. p > 0) Esquisse thématique p 2

Joyal Connes Caramello Lafforgue - General discussion 2015

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Quelques extraits :
Olivia Caramello
05:58 We were all inspired by what Grothendieck hiself told about toposes in Récoltes and Semailles. (...) The insistance on the unifying power of the notion of topos. They can allow to embrace both the continous and the discrete, to unify different areas of mathematics. I think that now we are in a situation where topos theory is sufficiently mature from a technical view point to actually realize this dream of unifying different branches of mathematics with each other.

Alain Connes
52:04
Je pense qu'on aurait tort de croire que même au niveau géométrique l'idée du topos suffit à appréhender ce que la nature nous présente.
Grothendieck insiste, et il a parfaitement raison, sur le fait que le topos unifie le discret et le continu. Mais il y a une autre merveille dans la nature, c'est le quantique, et le formalisme du quantique, qui a cette linéarité dont parlait Laurent, a cette merveille extraordinaire qu'il permet au discret, les opérateurs à spectre discret, de coexister avec les opérateurs à spectre continu.
Et il y a une profondeur absolument incroyable dans le quantique ; le formalisme du quantique est extrèmement performant pour dire ce que c'est que la variabilité, ce que c'est qu'une variable.

54:07 C'est aussi très important que non seulement nous puissions l'utiliser en tant que mathématiciens, que nous soyons capables de savoir qu'il y a un topos derrière telle ou telle situation. (...) On a tous l'idée simpliste qu'une chose est soit vraie soit fausse. Or l'idée du topos a, dans son caractère logique, dans le fait qu'il y ait cet oméga qui est le classifiant, a ce potentiel extraordinaire de formalisation, qui permet de ne plus avoir seulement le vrai et le faux, mais avoir l'idée de "a path to truth", d'un chemin vers la vérité.
(...)
Il y aura une évolution, je pense que ce sera une évolution très lente, je pense que ça prendra du temps avant que l'idée du topos passe dans la philosophie, mais une fois qu'elle l'aura fait, on pourra formuler les choses de manière beaucoup plus subtile et intéressante que par le vrai et le faux comme on le fait d'habitude.

58:30 Ce qui m'a convaincu des topos, c'est que un topos extrèmement simple peut avoir comme espace de points un espace non commutatif. J'ai été estomaqué par ça. Les espaces dans lesquels la notion d'égalité est plus subtile ; ex des pavages de Penrose ; on peut faire coïncider deux pavages autant qu'on veut, l'égalité est mal définie. On peut avoir des choses qui se ressemblent autant qu'elles veulent sans être égales. Ça c'est quantique. La chose qui est quantique, cette espèce de fluctuation, elle est présente. Il y a ce pont entre le quantique et quelque chose qui après peut être formalisé par un topos. Mais il y a plus dans le quantique, parcequ'il y a les nombres complexes etc. Là il a une vraie question.
C'est très dangereux de considérer qu'on a trouvé la chose qui est vraiment la géométrie quantique.

Laurent Lafforgue
09:15 Alain Connes a expliqué que pendant longtemps il pensait que les topos n'étaient pas sérieux. Pour ce qui me concerne, moi qui vient de la géométrie algébrique, bien-sûr j'avais lu ce que Grothendieck disait dans Récoltes et Semailles, mais pour moi, les topos servaient à fabriquer des invariants cohomologiques dans des situation où la topologie ordinaire ne suffisait pas. Je connaissais la cohomologie étale, la cohomologie cristalline et les topos de Grothendieck pour moi se cantonnaient à cela. J'avais entendu aussi que les logiciens s'étaient emparés des topos, mais comme la plupart des mathématiciens je pensais que la logique ne servait à rien. J'ai pensé cela jusqu'à ce qu'Olivia m'explique des éléments de logique et à me parler de topos en relation avec cette logique. (...) J'ai été très vite convaincu par le théorème d'existence des topos classifiants (...) qui pour moi était une surprise totale.

André Joyal
57:50 Le vrai mystère mathématique est peut-être quantum. Je pense que les topos ont une contribution à faire mais on dirait que que c'est encore du classique.

Olivia Caramello

L'observation fondamentale de Grothendieck est le fait qu'essentiellement quand on considère les faisceaux sur un espace topologique, il y a deux structures qui sont fondamentales dans cette définition : Ce sont ces ingrédients qui sont essentiels et suffisants pour la définition du topos. Interview d'Olivia Caramello par Stéphane Dugowson et Anatole Khelif a l'IHES - 27'20''
Topos de Grothendieck
On considère l'ensemble des faisceaux sur un espace topologique X
On associe l'espace X à l'ensemble de ses faisceaux
    X --- > Sh(X)
[ndt : Sh = shields, faisceaux sur l'espace X]

Un topos est la généralisation catégorique de ça :
On remplace de manière formellement analogue :
- l'espace X par un site (C, J)
    = petite catégorie C munie d'une notion de recouvrement J, appelée topologie de Grothendieck
- les faiseaux par Sh(X)
    = catégorie des faisceaux sur le site (C, J) Dualité de Gelfand et bases de Wallman
The concept of topos was introduced by A. Grothendieck during his Séminaire de Géométrie Algébrique du Bois-Marie, which took place at the IHES in the early sixties. The original motivation was that of defining a general notion of space on which one could define cohomological invariants in the algebro-geometric setting needed for proving the Weil's conjectures. In spite of this quite specific technical motivation, the notion of topos appeared at the very beginning as defining a new conception of space, capable of unifying the continuous and the discrete in an harmonious marriage: in the words of Grothendieck, "Un lit si vaste en effet (telle une vaste et paisible rivière très profonde...), que “tous les chevaux du roi y pourraient boire ensemble...” ".

In the following years, new perspectives on the notion on topos emerged. According to Lawvere and Tierney, a topos can be considered not only as a generalized space but as a mathematical universe within which one can carry out most familiar set-theoretic constructions, but which also, thanks to the inherent "flexibility" of the notion of topos, can be profitably exploited to construct "new mathematical worlds" having particular properties. On the other hand, the theory of classifying toposes allows to regard a Grothendieck topos as a suitable kind of first-order theory modulo Morita-equivalence. Toposes have also been proved effective in studying dualities and establishing "bridges" across different mathematical theories with a related semantic content. Topos à l'IHES

Alain Connes

Citations de Un topo sur les topos, 2017

1:07:41 Une métaphore :
On avait l'habitude de mettre l'espace à étudier sur le devant de la scène ; ce que fait Grothendieck avec les topos c'est faire jouer à l'espace le rôle d'un "deus ex machina" qui n'est pas prėsent sur le devant de la scėne, il reste dans les coulisses pour introduire une variabilitė, un alėa, dans la thėorie des ensembles.

Les acteurs sont les mêmes que dans les mathėmatiques usuelles, groupes, algėbres, ordre etc. etc. mais ils possėdent une variabilitė nouvelle qui est due au topos, ils dėpendent d'un alėa et ce dernier caractėrise le topos.
35:30 Quel est l'avantage de travailler avec des faisceaux d'ensemble ? Quand vous travaillez avec des faisceaux d'ensemble, vous pouvez définir ce que c'est qu'un groupe ou une algèbre dans ce truc la. Vous travaillez comme si vous travaillez dans les ensembles, mais où il y a une variabilité. Il y a quelque chose qui bouge mais sinon vous faites exactement comme si vous travaillez dans les ensembles habituels. Si vous cherchez ce que c'est qu'un groupe abélien dans cette catégorie des faisceaux d'ensemble, vous trouvez les faisceaux de groupe abélien (...) On a été éduqués, au moins à mon époque, avec la théorie des ensembles. En fait c'était surtout une erreur. La vraie manière de penser, c'est la théorie des catégories. Il pense à cette espèce de théorie qu'il a devant les yeux comme une catégorie.
1:08:19 Lorsqu'on travaille dans un topos, tout se passe comme si on manipulait des ensembles ordinaires. Dès qu'on fait des fibrés sur un espace, on prend l'habitude de penser à un fibré comme à un à un espace vectoriel variable. Mais là, la variabilité, c'est la bonne notion de variabilité parceque ça paramétrise les ensembles. Sauf qu'on ne peut plus appliquer la règle du tiers exclu. Si on a une proposition P, on ne peut plus dire P est vraie ou non P est vraie
1:09:06 Par exemple si vous regardez une discussion politique à la télévision, nous avons l'habitude de dire celui-là a raison ou celui-là il a tort. Je prétends qu'on n'a pas l'outil conceptuel qu'il faut pour juger. Je vais vous donner des exemples montrant à quel point la notion de vérité est une notion beaucoup plus subtile, et à quel point l'idée du topos permet de la formaliser.

1:17:54 Ce que je prétends, c'est que notre esprit, notre formation logique est extrèment primitive. On a l'habitude lorsqu'on écoute une discussion politique, de décréter oui ou non. Telle personne a raison ou telle personne a tort. Et en fait, on est dans l'erreur en faisant ça. Je rêve, mais s'il y avait des philosophesqui connaissent suffisament les maths et qui comprennent les topos de l'intérieur, il y a peu de gens qui comprennent les topos de l'intérieur, il y en a très peu ; ils seraient capables de donner des modèles qui seraient utiles pour beaucoup mieux apprécier ce genre de discussion ou de situation qui sont beaucoup plus subtile par rapport à la notion de vérité que cette notion d'une inefficacité absolue, qui est que un tel a raison ou un tel a tort
10:52 L'article de Grothendieck est marqué reçu 1er mars 1957. C'est cet article "Sur quelques points d'algèblre homologique" (...) on peut vraiment placer l'origine des topos dans cet article (...) Dans cet article, il introduit ce que sont les catégories abéliennes (...) avec toutes leurs propriétées etc. Il développe l'algèbre homologique dans cadre des catégories abéliennes. Mais ce qui est beaucoup plus important, c'est qu'il prend deux types d'exemple de catégorie abélienne dans son article. Le premier exemple est la catégorie abélienne des modules sur un annneau ; ça appartient à Cartan Eilenberg. Il prend aussi l'exemple des faisceaux de groupes abéliens un espace topologique (...) Ce qui est absolument crucial, c'est qu'il avait un autre exemple (...) les catégories de diagramme (...) Il avait l'idée que si vous prenez des diagrammes de groupes abéliens, quels que soient les diagrammes que vous regardez, ça forme encore un catégorie abélienne (...) Il avait là les deux piliers de la notion de topos (...) La notion d'espace topologique qui donne les faisceaux de groupes abéliens etc. Et il avait aussi la notion de catégorie de diagramme (...) qui donnent naissance à un topos, et ces topos ont un rôle absolument fondamental qu'on va utiliser tout le temps (...)
1:24:45 Je vais vous dire le moment qui pour moi a été crucial dans l'appréciation de la notion de topos : avant, quand on me présentait un topos, on me présentait toujours un topos en me disant : je prends une petite catégorie et je suppose qu'elle est stable par produit fibré. A ce moment là, mon oreille se fermait et je pensais à autre chose. Quand on dit ça, on a bien-sûr en tête l'intuition topologique. Quand on dit que la catégorie a des produits fibrés, on pense à deux ouverts qui ont une intersectionA partir de là, on peut développer des choses. Ce qui a été crucial, c'est le moment où j'ai compris que déjà dans SGA 4, Grothendieck avait défini les sites et les topologies de Grothendieck sans aucune hypothèse sur la petite catégorie. L'avantage énorme lorsqu'on fait ça, c'est qu'on comprend mieux ce dont on parle
En mathématique, il faut comprendre que la principale difficulté lorsqu'on est devant un problème, c'est d'arriver à penser juste. Une fois qu'on arrive à penser juste, les choses tombent comme des fruits mûrs. Et ce n'est pas penser juste que de demander à la petite catégorie d'avoir des produits fibrés.
1:55:53 C'est une notion qui est maudite. Avec Pierre (Cartier) et laurent Lafforgue, on a essayé pendant plusieurs années de soutenir une mathématicienne très très brillante, qui est Olivia Caramello, et on s'est heurté à l'hostilité, pour ne pas dire le mépris du monde mathématique en général. On a pu expérimenter à cette occasion à quel point il y a une espèce de fatalité sur la notion de topos, il y a quelque chose qui irrite les gens parceque sans doute ils ressentent - c'est ce que dit Grothendieck, il le dit tellement bien, il le dit explicitement, il l'avait déjà ressenti à son époque - sans doute ils ressentent qu'il y a quelque chose, mais ils ne le comprennent pas vraiment. Et pour le comprendre vraiment, il faut en faire bien sûr, mais il y a un moment où la notion va vous appartenir et vous allez arriver à vous l'approprier. Et la meilleure manière, c'est cette métaphore, c'est le fait que l'espace n'est pas au devant de la scène, il est derrière. C'est un espèce de deus ex machina, et c'est lui qui fait tourner les ensembles, c'est lui qui introduit un aléa dans la théorie des ensembles. De même qu'il y a un aléa dans les nombres premiers que nous connaissons tous, de même qu'il y a un aléa du quantique.

Laurent Lafforgue

Notre conviction est que la théorie des topos et de leurs présentations, avec son ambiguïté essentielle et structurelle, est appelée à produire sur les mathématiques un impact comparable à celui qu’a produit la théorie des groupes à partir du moment où, quelques décennies après sa découverte par Galois, elle a commencé à être comprise par la communauté mathématique. Sur la dualité des topos et de leurs présentations et ses applications : une introduction - Olivia CARAMELLO et Laurent LAFFORGUE

Barr Wells

Category Theory for Computing Science - Michael Barr, Charles Wells
p 383 : A topos is a cartesian closed category with some extra structure which produces an object of subobjects for each object. This structure makes toposes more like the category of sets than cartesian closed categories generally are.
(...)
Toposes have interested mathematicians for other reasons. They are an abstraction of the concept of sheaf, which is important in pure mathematics. They allow the interpretation of second-order statements in the category in an extension of the language associated to cartesian closed categories in Chapter 6. This fact has resulted in toposes being proposed as an alternative to the category of sets for the foundations of mathematics. Toposes can also be interpreted as categories of sets with an internal system of truth values more general than the familiar two-valued system of classical logic; this allows an object in a topos to be thought of as a variable or time-dependent set, or as a set with various degrees of membership. In particular, most ways of defining the category of fuzzy sets lead to a category which can be embedded in a topos.
p 384 : We do not discuss the language and logic corresponding to a topos in this book.
The most accessible introduction to this is perhaps that of [McLarty, 1992], Chapter 16.
McLarty, C. (1992). Elementary Categories, Elementary Toposes, volume 21 of Oxford Logic Guides. Clarendon Press
p 385 :
A topos is a category which
TOP–1 has finite limits
TOP–2 is cartesian closed
TOP–3 has a representable subobject functor
p 386 : Barr Wells : 2 is a subobject classifier

Bertrand Toen

Agora des savoirs - Hommage à Alexandre Grothendieck

Bartosz Milewski

The type of category that has just the right properties to serve as a replacement for set theory is called a topos (plural: topoi),
and it provides, among other things, a generalized notion of a subset. Category theory for programmers, chap. 29, p 450

Erik Meijer

Category Theory, The essence of interface-based design (2015) In a category, we have a point X, a point of our usual spaces.
And then an other point Y, which is beyond space, coming from Grothendieck, and which permits to build this construction with X1 and X2.
An object X is a product of X1 and X2, noted X1 x X2
iff there exists morphisms :
π1 : X --> X1
π2 : X --> X2
such as: for every object Y and a pair of morphisms :
f1 : Y --> X1
f2 : Y --> X2
there exists a unique morphism Δ such that the diagram commutes

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