Montage de la yourte

J’ai démarré la construction en mars, avec pour objectif de commencer à habiter courant juillet. Trois mois pour faire les plans, construire et installer la yourte, on a compris après coup que c’était bien trop court !
La première étape a été de trouver l’endroit. Le coin qu’on a retenu est exposé sud, et abrité du vent dominant, qui vient du nord-ouest. On a défriché l’endroit de manière à encastrer le plus possible la yourte dans les buis, pour être protégés du vent.
Un petit passage à travers les buis mène à une clairière.
Fin juin, les diférents éléments de la yourte étaient partiellement finis : le plancher et les perches étaient terminés, le treillis n’existait que sur les plans, il restait les trous à faire dans la couronne, et les portes et fenêtres pas faites du tout. Pour accélérer le mouvement, on a organisé deux week-ends de chantier collectif : un pour la préparation, et un pour l’installation.
Le premier week-end, on a amené le matériel sur place, isolé le plancher, percé et poncé le treillis. Entre les deux, j’ai été aidé pour finir les trous de la couronne ; les choses sérieuses ont commencé le deuxième week-end.
Pose du plancher sur pilotis, assemblage du treillis, fabrication de cadres provisoires pour remplacer les portes et fenêtres.
A la fin du premier jour, le plancher, le treillis et les cadres provisoires pour les portes sont en place.
Le lendemain, on met les perches, la couronne, on sangle le treillis et on pose la bâche du toit. On est épuisés mais heureux.
Le premier soir n’est pas évident : il y a un fort vent du sud, des perches commencent à tomber, le vent s’engouffre dans la toile du toit qui se détache par endroit, j’entends des craquements, je vois la couronne s’affaisser un peu. Je cours dans tous les sens, refais les noeuds qui sont détachés, et j’installe dans la nuit trois perches pour soutenir la couronne. Finalement, ça a tenu.
Les quinze jours qui suivent sont assez cahotiques : le treillis s’est écarté et la couronne s’est affaissée, je passe pas mal de temps pour arriver à la bonne forme : étais, sangle, une période où les perches tombent régulièrement (je les attache les unes aux autres pour éviter de se les prendre sur la tête). En parallèle, je fais les cadres définitifs pour les portes et fenêtres, couds les bâches verticales, finis le treillis. Le fait de vivre à l’intérieur complique les choses.
La dernière grosse étape consiste à tomber la toile du toit pour la finir. On en profite pour défaire les perches et les traiter : dès les premiers jours, on a vu des capricornes monter sur le treillis vers les perches. Une fois cette opération effectuée, on peut enfin commencer à s’installer, et sortir de cette phase de grand bordel.
Finition de la toile du toit
Deux jours plus tard
Un mois après le montage, il reste encore beaucoup de travail pour passer l’hiver, mais la yourte est hors d’eau et fermée. Une partie de la yourte reste inachevée, avec des fenêtres provisoires, car on veut construire un sas avec une cuisine en plus de la yourte. On part deux semaines en vacances.

Début septembre, le but est d’arriver à gérer le froid avant qu’il arrive. On bénéficie de trois semaines de beau temps pas trop froid. La première urgence est de mettre un poêle ; on a beaucoup hésité entre faire passer le tuyau par le centre ou par le côté, à travers le treillis. On a choisi par le centre sans véritable raison impérative. Ça implique de faire un passage étanche. Je fais un carré de bois et j’improvise un système en tôle, pour faire passer le tuyau au centre.
Le passage du tuyau fonctionne bien, mais je me trompe pour la toile du centre : je couds un carré alors qu’il aurait fallu faire la même forme que pour la grande toile du toit : un cercle auquel on enlève un morceau pour faire un cône. Résultat : cette toile fait des plis ; comme c’est étanche, je laisse en l’état, en comptant la reprendre plus tard.
Pour assurer l’étanchéité au passage du tuyau de poêle, je fais un cône en tôle, qui arrive au delà du carré de la toile du centre. Je fais ça avec de la tôle fine récupérée sur une caravane.
En attendant le sas, je fais un appenti provisoire, précieux en cas de pluie.

Isolation

Le dernier gros morceau à gérer pour être opérationnel est l’isolation.
Une erreur de conception me fait perdre pas mal de temps : je pensais isoler les murs et le toit avec 15 cm de laine de mouton brute, en la mettant dans des sacs de toile. J’avais complètement zappé le fait que la laine a un poids, et que c’est même très lourd. J’ai commencé dans cette direction pour isoler les murs : je fais des sacs avec des renforts horizontaux et verticaux, j’en bourre un de laine, en faisant un quadrillage de couture pour éviter que la laine ne se tasse ; je fais des poteaux verticaux pour éviter que le treillis ne supporte tant de poids, et j’essaie de le mettre en place, avec des étais. Et le sac craque au niveau d’un renfort. Recommencer demande trop de travail, trop de temps (il commence à faire froid et il faut aller vite) alors je laisse tomber.
On achète alors des rouleaux de laine cardée et traitée, que l’on trouve en 8 cm d’épaisseur ; elle contient 15 % de fibres synthétiques, qui permet d’éviter à la laine de se tasser. On en met deux couches pour avoir 16 cm d’épaisseur. Une nouvelle erreur fait encore perdre du temps : on essaie de mettre cette laine dans des sacs, et c’est trop long : coudre les sacs, découper les rouleaux, les assembler et les faire tenir dans les sacs… tout ça pour un résultat pas terrible (les morceaux de rouleau glissent, on a du mal à fixer les sacs jusqu’en haut). Nouveau changement de direction : on fixe directement le laine au treillis, en posant de la toile fine entre le treillis et la laine. Cette fixation ressemble à ce que j’ai vu dans d’autres yourtes qui utilisent du feutre pour l’isolation. Pour le toit, on fait la même chose : on pose une toile fine, et les deux couches d’isolant.

A l’usage, l’isolant s’est révélé largement suffisant.
Dès les premiers plans, on a pensé qu’une yourte ne serait pas suffisante pour vivre à l’année à trois. On a donc décidé de faire en plus une cuisine, un sas non isolé, un atelier et un sas d’entrée. Comme la yourte est pour nous une solution transitoire, je ne me suis pas embêté avec des plans sophistiqués, en avançant au fur et à mesure, ce qui a eu l’avantage d’être rapide (entre deux et trois mois pour toutes les extensions). J’ai un peu galéré à ce moment là, parce que j’avais prévu de reprendre la programmation (informatique) en même temps, et je n’ai pas réussi. J’ai donc fini en vistesse la cuisine et les sas, et dès janvier (soit 9 mois après le début du chantier), je me suis planté devant un ordinateur, et je n’ai plus touché au chantier.
Les extensions ont en gros doublé la surface de toit.

Au début, on avait aussi prévu une salle de bain, mais on a finalement renoncé devant la complexité à gérer une circulation d’eau chaude. On prend des bains en hiver dans la yourte (dans une grosse bassine) avec de l’eau chauffée sur le poêle. C’est plus compliqué qu’une vraie salle de bain, mais en pratique suffisant. On se débrouille pour faire une séparation dans la yourte avec des tentures, ce qui fait qu’on peut se laver même quand il y a des gens.
La cuisine est ouverte sur la yourte (donc isolée) ; à l’usage, cet espace supplémentaire a changé la vie à bord en libérant un bon quart de la yourte.
Le sas a libéré pas mal d’espace pour ranger les habits, la nourriture (dans des espaces protégés des rongeurs…), pour y mettre les toilettes (sèches), qui étaient dans un cabanon pendant l’été (appréciable quand il pleut de les avoir pas loin).
Après un premier hiver passé dedans, on se trouve beaucoup mieux que dans une maison en pierre, plus difficile à chauffer, moins lumineuse. Il y a bien sûr des limitations dont on s’accomode parceque c’est une solution temporaire. Sur du long terme, il faudrait une ou deux pièces de plus.